

Né le 2 décembre 1894 au Gua (Aveyron), Henri Grialou est le troisième d’une famille de 5 enfants. Sa mère Marie est d’origine paysanne et son père Auguste travaille à la mine. Leur vie est rude.
1904 : son père meurt. Henri a dix ans. Il a déjà perçu l’appel à devenir prêtre. Pour y répondre, il part en Italie (Suze) poursuivre sa scolarité, accueilli gratuitement par la Congrégation des missionnaires Spiritains,
alors exilés de France.
Dès 1908, il découvre Thérèse de Lisieux, qui n’est pas encore connue : elle est morte à peine 10 ans plus tôt. Il saisit d’emblée la force de son message. Il entre au grand séminaire de Rodez en 1911.
En 1913, il n’a pas 19 ans, il devance l’appel du service militaire. En 1914 la guerre est déclarée. Pendant cinq ans, Henri Grialou prend part aux principales campagnes du conflit : l’Argonne, Verdun, le Chemin des Dames…
En 1919, il reprend le chemin du séminaire à Rodez.
En retraite le soir du 13 décembre 1920, Henri lit une vie de saint Jean de la Croix.
Illumination soudaine et impérieuse : Dieu le veut au Carmel. Devant cet appel irrésistible se lèvent des résistances nombreuses : son directeur spirituel, son évêque et surtout sa mère tant aimée qui le perd une seconde fois.
Leur affection sortira grandie de l'épreuve.
Lettre à sa mère 15 février 1922
Tu sais combien j’ai résisté à cause du chagrin que je te causais. Mais cet appel du bon Dieu s’est fait de plus en plus net. J’ai pleuré moi aussi à la pensée du sacrifice que je t’imposais mais je ne puis pas résister à la volonté
de Dieu si nettement manifestée.
Le 4 février 1922, Henri Grialou est ordonné prêtre. Il entre chez les Carmes à Avon (Fontainebleau) dès le 24 février et prend le nom de frère Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus. Il découvre la puissance de la prière.
Après son noviciat, il participe activement aux prédications suscitées par la béatification et la canonisation de Thérèse de Lisieux (1923-1925). Il se donne pleinement à cet apostolat, contribuant ainsi au renouveau
que connaît l’Église en France dans l’entre-deux guerres.
Carme, le père Marie-Eugène vit pleinement la devise du prophète Elie : « Il est vivant, Dieu en présence de qui je me tiens. Je brûle de zèle pour sa gloire. »
Il retrouve Dieu dans le silence de l’oraison, il collabore avec Lui dans toutes ses activités : cet amour unifie sa vie. Son expérience nous offre un éclairage simple et pratique pour rejoindre le Dieu vivant qui nous appelle
et nous envoie.
• La prière, c’est un entretien. Nous pourrions dire tout simplement : c’est un contact avec Dieu, un échange affectueux avec Dieu.
• Je puis créer avec Lui des liens réciproques. Il me connaît, Il m’aime et moi, à mon tour, je Le connais et je L’aime. Il m’aime comme un Père et je l’aime comme un fils. C’est sa joie.
• Dieu a toujours la porte ouverte pour nous laisser entrer en lui par la prière.
• Nous sommes comme aveuglés par cet infini qui est en Dieu, mais nous savons que dans cet infini, il y a de l’amour, il n’y a que de l’amour.
• Avoir trouvé Jésus, Lui parler ou simplement Le regarder, suffit.
• Nous devons remplir notre âme, notre intelligence, notre mémoire, du Christ Jésus.
• Notre monde moderne a faim et soif de bonheur. Il a faim de pain, il a plus encore faim et soif de Dieu.
• Actuellement, le grand moyen de la mission, ce n’est pas la discussion : les gens n’y croient plus. Ce ne sont même pas les oeuvres. Le grand moyen, c’est le témoignage de quelqu’un qui est pris par Dieu,
qui par ses attitudes, par ses paroles, laisse voir Dieu.
• Vous portez le témoignage de l’existence de Dieu parce que vous le portez en vous. Vous êtes des tabernacles, des ostensoirs rayonnants, sans chandelles ni encens.
• Les âmes qui cherchent Dieu, il y en a partout. Ah, si je pouvais les atteindre toutes et leur parler de l’Amour infini !
Lettre à un membre de Notre-Dame de Vie, 23 février 1961
Vous n’êtes pas dans le monde pour voir le mal, pour prendre conscience de son énormité, ni même à proprement parler pour lutter contre le mal et le supprimer. Vous êtes dans le monde pour porter témoignage de Dieu,
de la vie de Dieu, de son existence et de sa force, et devenir ainsi une joie pour Dieu, une lumière pour ceux qui veulent rester fidèles. Pour remplir cette mission, vous avez besoin de vous plonger longuement en Dieu car
seul l’envahissement de Dieu et de sa vie en vous peut vous garder fidèle et pur et vous faire porter le témoignage qui est dans votre vocation.
Marchez donc vaillamment.
En 1928 il est nommé prieur du couvent du Petit Castelet (Tarascon). L’année suivante, trois jeunes femmes qui dirigent un cours privé à Marseille viennent prendre conseil sur l’orientation à donner à leur vie.
De cette rencontre naîtra en 1932 une nouvelle famille spirituelle : Notre-Dame de Vie. Nommé prieur à Agen, puis à Monte-Carlo, il est ensuite élu membre du Conseil général de l’Ordre à Rome où il réside jusqu’en 1955.
Il est plus particulièrement chargé des carmels francophones et se montre très attentif aux communautés persécutées. Absolument fidèle à la prière, il mène de front les multiples engagements de sa mission :
courrier très abondant, constructions, voyages, organisation de l’Institut Notre-Dame de Vie, rédaction de son maître-ouvrage, Je veux voir Dieu (1949-1951). Il assume un large ministère de direction spirituelle.
Il participe avec grand intérêt aux débats autour de la question « vie spirituelle et psychologie".
Ses responsabilités l’amènent à parcourir le monde : Terre Sainte, Irak, Vietnam, Philippines, Espagne, Allemagne, Belgique, Canada, États-Unis, Mexique. De retour en France en 1955, il est nommé Provincial.
Attentif aux signes des temps et à la montée de l’athéisme, le père Marie-Eugène suit de près les bouleversements de l’après-guerre et les initiatives nouvelles d’apostolat dans l’Église. Il s’intéresse aux mouvements d’idées
et aux recherches théologiques qui précèdent le Concile. Il reçoit avec joie l’enseignement de Vatican II qu’il a à coeur de faire connaître et de mettre en oeuvre. Jusqu’au bout il assume ses charges dans l’Ordre du Carmel
et sa responsabilité de fondateur de Notre-Dame de Vie. Á partir de 1965, sa santé s’altère progressivement. Il concentre son activité sur l’essentiel : enseigner les fondements de la vie spirituelle et soutenir celles et ceux,
de plus en plus nombreux, qui lui demandent conseil. Après plusieurs mois de rude souffrance, il meurt le lundi de Pâques, 27 mars 1967, jour de la fête qu’il avait établie pour célébrer Notre Dame de Vie.
Le père Marie-Eugène est convaincu qu’il ne peut travailler qu’en collaboration étroite avec l’Esprit Saint. En février 1965, il dévoile quelque chose de son expérience personnelle :
« Tout le monde a remarqué probablement que, quand je parle de l’Esprit Saint, ordinairement je m’enflamme assez facilement. Je l’appelle “mon Ami” et je crois que j’ai des raisons pour cela. »
Il veut nous aider à connaître l’Esprit-Saint et son langage, à nouer avec Lui une véritable collaboration et à nous placer librement sous sa conduite.
• L’Esprit Saint, c’est un grand personnage qui s’occupe de chacun de nous.
• L’Esprit nous fait crier « Abba ! Père ! » et nous penche en même temps sur le monde. Ils vont de pair, ces deux mouvements. Je ne vois pas comment on pourrait les opposer : c’est le même amour !
• Dites-lui : « Je suis pauvre… » L’Esprit Saint va chez les pauvres, c’est pour cela qu’on l’appelle le Père des pauvres. Il vous aidera : Il ne demande pas mieux !
• Il ne s’agit pas de croire à l’Esprit Saint d’une façon vague ; il faut que nous croyions en lui comme à une réalité vivante, à une Personne vivante, intelligente, toute-puissante, comme à une personne qui sait ce qu’elle veut,
qui fait ce qu’elle veut, et qui sait où elle va. L’Église a besoin de l’Esprit Saint, de cet Esprit Saint qui est son âme, qui est son ami. Nous aussi, nous avons besoin de lui.
« Voilà le testament que je vous laisse… Que l’Esprit Saint descende sur vous et que vous puissiez tous dire, le plus tôt possible, que l’Esprit Saint est votre ami, que l’Esprit Saint est votre lumière, que l’Esprit Saint est votre
Maître. ... C’est la prière que je continuerai certainement pour vous pendant l’éternité. » (21 février 1965).
• Tout en Marie est don de Dieu, elle le sait. En propre, elle n’a que petitesse et pauvreté. Et parce qu’elle se voit dans la vérité, Marie peut rester humble sous les dons de Dieu.
• Marie s’offre, prie, travaille avec Jésus, aux mêmes intentions. Ils marchent vers le même but. L’oeuvre de Jésus est la sienne.
• Elle est notre Mère, elle appartient tout entière à chacun de nous.
• Apprenons auprès de la Sainte Vierge à croire dans la nuit, à espérer contre toutes les réalités décevantes, à aimer toujours.
• L’exercice de la Miséricorde convient essentiellement à une mère : une mère est faite pour la faiblesse de son enfant.
• Ô Marie, donnez-nous de porter un témoignage vivant, un témoignage réel : que nous aussi, à votre suite, nous devenions des sources de vie.
• Nous vous prions Vierge Marie : sur toute l’Église, faites descendre la vie du Christ ressuscité.
Dans la grande famille du Carmel, l’Institut Notre-Dame de Vie est un institut séculier de vie consacrée. Il comprend 3 branches : laïcs femmes, laïcs hommes et prêtres, pleinement consacrés à Dieu et pleinement insérés
dans la vie du monde. Par leur fidélité à la prière silencieuse et l’exercice de leur métier ou leur ministère, ils témoignent que Dieu est vivant et que dans son amour il veut rejoindre tout homme.
www.notredamedevie.org
Lorsqu’en 1931 le père Marie-Eugène découvre l’antique sanctuaire de Notre-Dame de Vie, il reconnaît une présence vivante, qui n’a cessé de l’accompagner. Il découvre aussi une source puissante de grâce.
Le père Marie-Eugène a vécu dans un monde marqué par la violence (deux guerres mondiales), l'athéisme et le triomphe apparent du progrès technique. Très tôt il a compris que Miséricorde est le Nom préféré de Dieu.
Expérimenter la miséricorde divine en vivant dans l'union au Christ : voilà ce qui forme les disciples missionnaires dont le monde a besoin.
• Qu’il y ait du brouillard ou de la tempête, ou au contraire une lumière très douce, nous sommes toujours dans la miséricorde. Une fois que nous avons été pris par elle, elle ne nous lâche plus.
• Jésus se donne le droit de dormir quelque fois dans la barque, mais en dormant il veille et il interviendra certainement au moment nécessaire pour vaincre, avec nous et par nous. Demandons-lui d’avoir cette confiance.
• Voilà la folie déconcertante de la miséricorde : Dieu a ce goût singulier de descendre vers la misère.
• Dieu nous regarde avec amour parce que nous sommes ses enfants. Le regard de Dieu nous enveloppe quel que soit notre état psychologique et notre faiblesse.
• Nous recevons tout de lui, et ce que nous avons est peu de chose comparé à ce qu’il veut nous donner.
• La confiance en Dieu attire la réponse de Dieu.
• Ce n’est pas parce que ça monte qu’on s’est trompé de chemin.
Après la mort du père Marie-Eugène de l'Enfant-Jésus, de nombreux témoignages, venant du monde entier, ont conduit en 1985 à ouvrir sa cause de canonisation. Le 19 décembre 2011, le pape Benoît XVI
a reconnu l'héroïcité de ses vertus, le déclarant Vénérable. Dans les années quatre-vingts, un bébé de quelques semaines gravement malade est guéri de manière inexpliquée.
Des membres de sa famille ont prié Dieu par l'intercession du père Marie-Eugène. Après une enquête longue et minutieuse cette guérison a été reconnue par l’Eglise comme un miracle.
Le 3 mars 2016, le Pape François a autorisé la béatification du père Marie-Eugène de l'Enfant-Jésus. Son visage appartient à tout le monde.
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